"Thinking, Fast and Slow" de Daniel Kahneman

 

10 livres qui feront de vous un meilleur joueur de poker, mais qui ne sont pas des livres de poker

Livre 1 de 10: "Thinking, Fast and Slow" de Daniel Kahneman

Par Kidam

Idée: Francis Bullett (merci!)

Si vous n'avez jamais lu ce livre, vous êtes passé à côté de quelque chose de vraiment gros! L'auteur de cet ouvrage a remporté un prix Nobel d'économie en 2002 pour l'ensemble de ses travaux. Il est le fondateur de la théorie des perspectives. Il a aussi travaillé sur les anomalies boursières et les biais cognitif et émotionnels qui les causent.

L'ouvrage est difficile à résumer en quelques lignes bien évidemment, mais en gros, l'auteur questionne la raison chez l'être humain et la prise de décision dite "rationnelle".

Il divise l'interprétation par la pensée en deux catégories ou en deux systèmes si vous préférez, nommé système 1 et système 2 :

Le premier système simplifie le processus. C’est un outil cognitif qui nous permet d’aller plus vite, en se fiant à notre intuition.

 

 

Par exemple, vous voyez une image et vous devez donner vos impressions sur l'image. On voit une personne. Un visage. La personne est-elle joyeuse? En colère? Célèbre? On vous pose ces questions.

Ici c'est les "snap décisions" qui se prennent. Notre cerveau ne travaille presque pas. C'est le "thinking fast". On prend des décisions sans faire d'effort ou presque, mais les chances d'erreurs sont évidemment grandes.

Le deuxième système, lui, nécessite du temps et de la concentration, mais évite les erreurs du premier système. C'est les décisions plus difficiles à prendre. Par exemple, si je vous demande 45 x 28 = ? Vous aurez besoin de temps pour répondre à cette question. Vous aurez probablement besoin d'un crayon et d'un papier, Vous devrez vous concentrer davantage. Cette opération sera plus difficile à faire que l'analyse de la photo comme mentionnée plus haut. C'est ce qu'on pourrait appeler le "thinking slow".

Ces deux systèmes sont assez faciles à comprendre. Par contre, avec de nombreux exemples, l'auteur nous démontre que notre cerveau est facile à tromper et est souvent peu rationnel. Des fois, c'est le système numéro 1 qui s'en mêle alors que la réponse devrait être donnée par le système numéro 2.

Par exemple, je pose la question suivante: Quel est mon métier? J'habite en Californie, je suis calme et réservé, je suis de nature assez intellectuelle et je n'aime pas trop me coucher tard. Je suis aussi plus scolarisé que la moyenne des gens. Suis-je un fermier ou un libraire?

Intuitivement, le "thinking fast" de notre cerveau va être tenté de répondre "libraire", sans avoir de raison rationnelle pour donner cette réponse. Ici, c'est ce que l'on pourrait nommer notre intuition qui prend une décision.

Pourtant, d'un point de vue statistique, il y a cinq fois plus de fermiers en Californie que de libraires et les fermiers répondent souvent aux même critères descriptifs que les libraires.

Notre cerveau n'est pas capable de penser en terme de statistiques. Nous prenons une décision que nous croyons la bonne, sans considérer tous les aspects rationnels. Il faut aussi, pour donner la bonne réponse, avoir la connaissance selon laquelle les fermiers sont plus nombreux en Californie que les libraires.

Un autre exemple tiré du livre vous intéressera peut-être.

On pose la question à un groupe d'étudiants et on leur demande laquelle des offres suivantes les intéresse le plus.

75$ pour un abonnement d'un an à leur magazine préféré, version web seulement.

150$ pour un abonnement d'un an à leur magazine préféré, version papier seulement.

150$ pour un abonnement d'un an à leur magazine préféré, version papier et web combinée.

La majorité des étudiants dans cette situation choisissent l'option numéro 3 puisqu'elle est une bonne économie sur l'option 2.

Plus tard, on demande à ces étudiants de faire le choix entre:

75$ pour un abonnement d'un an à leur magazine préféré, version web seulement.

150$ pour un abonnement d'un an à leur magazine préféré, version papier seulement.

À cette offre, les mêmes étudiants choisissent l'option numéro 1, considérant qu'elle est moins chère que la deuxième et qu'ils se contenteront de cette option.

On ne s'adresse pas à des idiots, on s'adresse ici à des étudiants jeunes en santé et prometteurs. Pourtant, que dire de leur capacité à prendre des décisions logiques et rationnelles?

Vous avez probablement déjà fait ce test.

Vous avez trois lignes comme suit, et on vous demande laquelle est la plus longue:

0000529

Si vous avez 2 secondes pour répondre, vous me direz que le ligne numéro 1 est plus courte que les autres. Vous utiliserez votre système numéro 1 pour répondre à la question.

Pourtant, ici, vous vous êtes fait avoir. Pour réellement donner la bonne réponse, il faut utiliser son système numéro 2, sa pensée lente. Ainsi, vous prendrez une règle et vous mesurerez les trois lignes. Après analyse, vous vous rendrez compte que les trois lignes ont la même longueur.

Le lien avec le poker?

Simplement de se rendre compte que la prise de décisions est quelque chose d'important et qui mérite réflexion. Vos "snap décisions" sont-elles vraiment des réflexions qui se prennent rapidement?

Lorsque l'on joue au poker, on a des décisions rapides et des décisions lentes à prendre à chaque session. N'oubliez pas que pour prendre de bonnes décisions rapides, il faut avoir préalablement pratiqué un bon nombre de fois et utilisé notre système numéro 2. C'est comme jouer d'un instrument par exemple. Au début, quand vous apprenez un morceau, vous utilisez votre système numéro 2, vous vous concentrez, vous faites du gros travail difficile. Après la répétition, ça devient un réflexe. La même chose est vrai avec le poker.

Sept-deux offsuit under the gun, FOLD. Les as sur le bouton, OPEN RAISE. C'est des décisions claires. Aucune zone grise. D'autres décisions sont plus difficiles à prendre.

Avec quoi mon adversaire 3 barrels ce board? Puis-je le caller river avec top paire? Quelle est sa fréquence de bluff? Peut-il value better pire? Ces questions méritent notre attention et nous devons faire appel au "thinking slow" dans cette situation, nous devons nous concentrer pour prendre la bonne décision. Penser à l'historique récent, regarder notre HUD, faire des calculs, etc.

Lorsque nous revoyons nos sessions, il est vraiment important de ne rien prendre pour acquis. Sommes-nous victimes d’irrationalités lorsque nous prenons nos décisions? Nous devons toujours être le plus objectif possible lorsque nous portons un jugement sur notre jeux.

La même chose peut arriver sur une table de poker. Les exemples sont infinis, mais nous n'en donnerons qu'un pour mieux illustrer l'analogie.

Vous êtes dans un 3bet pot avec AJ.

Le flop vient xxA. Vous êtes en position et vous callez le cbet de votre adversaire. Le tournant est un A et votre adversaire cbet encore. Vous êtes 150 big blind deep. Vous callez à nouveau. La rivière est une brique et votre adversaire pousse all in.

Certains joueurs dans cette situation vont utiliser leur premier système de prise de décisions: SNAP CALL. J'ai un brelan, je call.

Et si cette décision nécessitait votre deuxième système de prise de décisions?

Votre adversaire 3bet 6% du temps. Son cbet dans les 3bet pot est de 45%. Son "won money at showdown" est élevé. Son agression river est basse. Vous avez plusieurs notes sur lui et aucune qui parle de bluff. Il vient d'arriver à cette limite depuis peu et pourrait bien être "scared money".

Peut-il value better pire? Non, c'est hors de question. Peut-il bluffer? Rarement, j'ai l'air d'un joueur qui va caller river un gros pourcentage du temps. Peut-il avoir une full? Oui, définitivement. Peut-il avoir AK? Évidemment, ça fait parti de son 3betting range. Est-ce un call facile? Non.

Le but n'est pas de savoir si le bon jeu à faire est de folder ou caller, mais de vous inciter à toujours prendre une grande respiration avant de prendre une grosse décision. Vous êtes en train de jouer un gros pot pour tout votre stack. Le pot total pourrait bien avoir 300 big blind. Il n'y a pas de raison de "snaper". Vous avez une banque de temps et cette décision mérite réflexion.

Les autres pièges dans lesquels les joueurs peuvent tomber sont infinis. La prochaine fois, avant de prendre des décisions trop rapides, demandez-vous si cette décision se prend à l'aide de votre système numéro 1 ou de votre système numéro 2.

Au poker, nous devons prendre constamment des décisions et cette prise de décisions influencera nos résultats, autrement dit, nos gains monétaires. Il est donc essentiel de s'assurer que ces décisions sont constamment prises de manière rationnelle et par le bon système!

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