Québec s'attaque au jeu en ligne "illégal". Chronique d'opinion
Le gouvernement de Philippe Couillard proposera prochainement une modification législative qui pourrait forcer les fournisseurs Internet à bloquer l'accès aux Québécois aux sites de jeu en ligne dit "illégaux" comme PokerStars, Party Poker et Full Tilt Poker. (en réalité, il y a un flou à ce sujet et les salles de poker ne sont pas illégales précisément. Elles le sont uniquement selon les dires de Loto-Québec)
Pour devenir légaux, ces sites de jeux en ligne gérés par des opérateurs privés devront conclure au préalable une entente avec la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ)
Selon Loto-Québec, les Québécois auraient accès à 2000 sites de paris illégaux au Québec. D'emblée, précisions que ce chiffre est aléatoire et qu'aucune liste de la sorte n'existe. Ce chiffre est à notre avis grandement exagéré.
Donc, si la modification législative est appliquée tel que le gouvernement Couillard semble le vouloir, Espacejeux serait le seul site de jeu accessible pour les Québécois.
200M$ échapperaient à Loto-Québec
Le gouvernement Couillard espère ainsi récupérer 13,5M l'an prochain sur les 200M$ qui leur échappent (selon leurs dires).
Son gouvernement espère peut-être ainsi mettre un "pansement" sur l’hémorragie de Loto-Québec dont les profits sont en chute libre depuis plusieurs années. Les profits de la société d'État sont passés de 1,335G$ en 2010-2011 à 1,144G$ en 2013-2014.
Mauvaise gestion ou compétition déloyale?
Plutôt que de questionner la gestion de Loto-Québec, on cherche des coupables. Dans cette section bien précise de Loto-Québec (le jeu en ligne), on blâme les sites illégaux.
Mais, pourquoi les Québécois choisissent-ils ces sites illégaux plutôt qu'Espacejeux? Les joueurs de poker que nous sommes le savent: la plateforme de jeu d'Espacejeux est dépassée, le service à la clientèle n'est pas formé adéquatement pour bien répondre aux clients (les réponses farfelues témoignant d'un manque de connaissances sont courantes), les offres promotionnelles ne sont pas compétitives et jusqu'à tout récemment, les bogues étaient fréquents sur la plateforme. Ce n'est donc pas par hasard si la majorité des joueurs de poker en ligne du Québec se tournent vers une autre offre de jeu que celle proposée par Loto-Québec.
Par conséquent, il y a moins de joueurs sur Espacejeux et qui dit moins de joueurs, dit...moins de joueurs! Au poker, comme dans bien des domaines, les gens attirent les gens. Iriez-vous dans un casino désert?
Ce n'est donc pas la "faute" aux sites illégaux si Espacejeux fait moins d'argent que ses rivaux dit illégaux, mais parce que sa gestion devrait être revue, tout comme son logiciel.
D'affirmer qu'Espacejeux perd 200M$ aux profits des sites illégaux, c'est comme de dire que si mon album de rap amateur ne s'est pas bien vendu, c'est parce qu'Eminem a été trop populaire et qu'il m'enlève des clients. Plutôt que de se concentrer sur les méchants, Loto-Québec devrait questionner et revoir sa gestion. Pourquoi la mauvaise gestion de notre société d'État ne pourrait-elle pas être la cause de ces pertes de profits? Ce n'est pas une affirmation, mais une question.
À l'instar d'un joueur de poker, les gestionnaires doivent s'adapter à leur environnement. Et si on prend seulement la division jeu en ligne, le fait de moderniser le logiciel, d'avoir des employés mieux formés et une stratégie de promotion plus agressive (en connaissant bien les exigences des joueurs) pourrait faire grimper les profits sans même se préoccuper des sites illégaux. Ce n'est pas en interdisant les joueurs d'aller voir ailleurs qu'on les amènera chez nous, mais en devenant plus attrayant. Loto-Québec agit ici comme un mari jaloux qui interdit les sorties à sa femme en espérant son amour et sa fidélité sans rien lui proposer.
En conclusion, faut-il retirer rapidement notre argent sur les sites "illégaux"? Non. C'est simplement pour l'instant une idée de projet de loi. Il peut s'écouler plusieurs mois avant que le projet soit proposé et ensuite, plusieurs mois avant que les compagnies s'adaptent. Et il n'est pas impossible qu'il ne soit pas accepté. Après tout, c'est Internet et notre liberté qu'on essaie ici de contrôler. Si ce projet de loi est accepté, quelle sera la prochaine étape? Bloquerons-nous les sites d'information qui véhiculent des informations contraires au parti politique en place? Bloquerons-nous les sites de pornographie sous prétexte qu'ils véhiculent des clichés? Bloquerons-nous accès à PayPal, Skrill et Neteller sous prétexte que ces sites font perdre des profits aux Caisses populaires? Bloquerons-nous accès à Ebay et Amazon parce Pierre-Karl Péladeau veut faire plus de profits avec Archambault?
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