Par Dominic 'Palindrom' Bergeron.
Il y a toujours eu un débat au poker quant au rôle des mathématiques versus celui de la psychologie. Certains vont dire que la psychologie est beaucoup plus importante et d’autres que tout se rapportent aux mathématiques. Enfin, d’autres vont essayer d’établir un pourcentage du rôle de chacun. Cet article se veut un essai afin de clarifier ce débat.
Mon hypothèse est une application au poker du point de vue que tout dans l’univers est quantifiable et mesurable. Ce que l’on qualifie d’aléatoire est en fait des données que l’on n’a pu mesurer. Ainsi, je défends l’idée qu’au poker, tout s’en remet aux mathématiques. Toutefois, puisque l’être humain n’est pas omniscient et ses capacités de calcul sont limitées, il a besoin de pallier ses manques par des estimations.
Je crois que toute la confusion sur ce débat provient du fait que notre langage est ainsi mal fait et que les mots 'mathématique' et 'psychologie' peuvent avoir plusieurs sens. Le sens que je suggère est le suivant : la psychologie au poker est la faculté de récolter avec précision des données ainsi que de transmettre de fausses données à nos adversaires tandis que les mathématiques seraient la capacité de traiter correctement les diverses données. Les deux étant des aspects qui composent ce que l’on pourrait appeler un "processus décisionnel". Enfin, la conscience serait la capacité de traduire les données en chiffres et de conscientiser le processus décisionnel.
Or, le monde qualifie parfois de mathématique le processus décisionnel conscient et de psychologique, le processus décisionnel inconscient. Pourtant, les deux sont la même chose, bien que perçue différemment et traitée avec une finesse différente.
En actant, un joueur de poker peut se dire : "Je vais faire semblant d'être fort, alors que ma main est faible. Ça va déjouer mon adversaire, je suis vraiment doué moi, côté psychologie!!". En fait, le processus inconscient est d'établir une corrélation entre un comportement et une réaction, d'y associer une fréquence statistique et d'essayer de la modifier. Cela peut se résumer ainsi : "100 % du temps que j'ai l'air fort habituellement je suis fort, cette fréquence est facilement perceptible par mon adversaire et sûrement incorrecte puisqu'il se couche tout le temps sauf quand il me bat. Donc je me dois de modifier cette fréquence pour la rendre plus difficilement lisible par mon adversaire".
Quel genre de joueurs demande le plus de capacité psychologique afin de l'analyser ? Un adversaire qui est vraiment fort sur les 10 000 mains où il semble fort, ou bien un adversaire qui l'est 8170 mains sur 10 000. Les deux sont des chiffres très exacts, sauf que l'esprit humain va avoir beaucoup plus de difficulté à analyser précisément le 8170 fois sur 10 000 et risque d'estimer cette fréquence. Cette estimation peut être mathématiquement consciente chez certains et inconsciente chez d'autres. Certains joueurs dans cette situation vont penser ainsi : "Il peut me bluffer puisque parfois il le fait, mais mon instinct me dit que cette fois il a son jeu". D'autres vont pousser plus loin et se disent : "Dans cette situation précise, mon adversaire est conscient que le bluff est de temps en temps un bon jeu et le pratique, mais puisqu'il est conscient que je le sais, il doit varier son jeu, mais sans trop s'écarter d'une fréquence de bluff idéale qui est de 30%. Comme il m'a bluffé les deux dernières fois dans ce spot et que ce joueur n'ose pas toujours faire le même jeu, je crois que les chances sont diminuées cette fois-ci, je les estime à 18%. Puisqu’il m'en coûte 30$ et que le pot est de 70$, je couche ma main" ! Les probabilités qu’un adversaire nous bluffe peuvent être mises en équations mathématiques en entrant plusieurs paramètres: la fréquence idéale de bluff selon la grosseur du pot, la tendance de mon adversaire à pratiquer ou s’écarter de cette fréquence, la fréquence avec laquelle mon adversaire modifie ces décisions selon les dernières mains jouées, la fréquence avec laquelle quand mon adversaire cligne des yeux cela représente un bluff, etc.
Donc, l'apprentissage au poker consiste en grande partie à prendre conscience et dompter les processus inconscients qui guident nos décisions, développer sa mémoire et le sens de l’observation pour avoir le plus de données possible et de savoir traduire tout cela en équation mathématique pour ainsi non pas en faire des estimations grossières, mais des estimations mathématiquement les plus précises et correctes possibles. Par contre, c'est loin d'être une tâche facile, je peux aisément concevoir que ceci dépasse la légion de joueurs qui n'arrivent même pas à résoudre des problèmes basiques, comme les chances d'avoir 3 cartes pareilles sur le flop. Ces joueurs vont avoir tendance à identifier comme ‘psychologiques’ bien des aspects du poker puisqu'ils n'ont pas des mathématiques assez raffinées et utilisent leur intuition pour palier.
En parlant de raffinement des mathématiques, il faut aussi prendre conscience que plusieurs des décisions à prendre au poker dépassent tout simplement les capacités humaines de les faire rapidement et sans aide informatique (de nombreux logiciels peuvent être d’une grande aide pour mettre en chiffres certains aspects psychologiques du poker) et qu'en de telles circonstances, soit il faut avoir déjà fait les calculs à la maison et s’en rappeler, ou soit que l'intuition devient un meilleur atout.
Il est donc essentiel de consacrer du temps à étudier des situations qu'il est impossible de résoudre en 10 secondes pendant notre temps de jeu. Derrière la plupart des décisions que vous prenez en 5-10 secondes, il devrait y avoir de longues heures d'études pour entretenir le réflexe de prendre de bonnes décisions, un peu à la manière de sportifs d'élite qui s'entrainent pendant des heures sur un seul aspect de sa discipline.
Je crois ainsi qu'il faut travailler à conscientiser les décisions que l'on prend au poker et étudier afin de les rendre le plus mathématiquement déchiffrable possible au lieu de les laisser à notre intuition et notre psychologie. Je sais que ce n'est pas donné pour tous et qu'il y a des limites aux capacités humaines qui font en sorte que l'intuition aura toujours son rôle, mais une équation claire mènera toujours à une meilleure décision qu'une approximation intuitive.
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