Un joueur de poker gagnant maîtrise plusieurs choses. Évidemment, il maîtrise l'aspect technique du poker. Il connaît au minimum quelques mathématiques de base. Il maitrise les différents outils qui s'offrent à lui, et bien sûr, il joue plus souvent sa A game que sa B, C et D game. Autrement dit, il sait contrôler ses émotions, il sait contrôler son tilt. Jusqu'ici, rien de nouveau.
Un joueur gagnant est aussi un joueur constant. Il étudie constamment, il s'améliore constamment, il joue sa A game constamment. Battre le NL100 à 10 big blinds par 100 mains n'est rien si vous avez des passes de tilt intenses où vous "spewez" votre argent sur les tables de NL400 et NL600. Vous finirez par être un joueur perdant. Un excellent joueur tilté, c'est comme une Ferrari dont le volant est déréglé. Vous avez beau avoir le plus puissant des moteurs, mais si la direction ne fonctionne pas, vous êtes assurés de vous planter.
Un joueur perdant n'est pas nécessairement un mauvais joueur. Un joueur gagnant n'est pas nécessairement un génie du poker.
Encore une fois, ici c'est seulement de la grosse logique et la majorité des joueurs savent ça.
Tous les joueurs tiltent
Ce dont j'aimerais vous parler, c'est du tilt, de la A game, de la constance. J'aimerais vous convaincre du fait que vous ne jouez pas toujours votre A game, même si vous pensez le faire. J'aimerais vous pointer quelques situations où beaucoup de joueurs perdent de l'argent.
Le tilt n'a pas besoin d'être un état de rage incontrôlable pendant lequel on brise des souris d'ordinateur. Le tilt est tout ce qui fait que l'on joue moins bien que notre plein potentiel. Bref, lorsque vous êtes fatigué, vous êtes tilté puisque vous ne jouez pas votre meilleur poker. Vous jouez sûrement fatigué à l'occasion parce que vous n'êtes pas capable d'arrêter à temps votre session.
La A game passe par la connaissance de soi
Vous connaissez-vous vraiment? Avez-vous déjà analysé le maximum de mains que vous êtes capable de jouer dans un journée? Avez-vous pris la peine d'analyser vos longues sessions? Sont-elles généralement gagnantes ou perdantes? Après combien de mains généralement vous êtes perdants? Jouez-vous des longues sessions pour "rebuster" vos pertes?
Le fait de ne pas être capable d'arrêter de jouer au poker est une faille dans votre jeu. Si vous vous étiez imposé 3000 mains pour la journée (après quoi vous devenez moins productif) et que vous continuez parce que vous êtes "stuck", vous êtes tilté. Vous faites une erreur de débutant et vous n'avez certainement pas l'esprit d'un "gagnant".
Prenez-vous toujours les bonnes décisions?
Et si par exemple, un incroyable fish venait qu'à s'asseoir à votre table après avoir joué vos 3000 mains, avez-vous déjà calculé ou anticipé le EV à long terme de cette situation? Devriez-vous continuer à jouer ou quitter? Qu'est-ce qui est le plus profitable pour vous? Avez-vous déjà analysé cette situation?
Et toujours parlant de la longueur des sessions, comment jouez-vous votre dernier tour de table? Le jouez-vous de la même manière que vous jouez n'importe quelle main? Si après 4 jours de pertes vous constatez que votre session est présentement gagnante de 125BB, allez-vous risquer un all in 150 deep dans lequel vous êtes généralement 55% favori ou est-ce que l'idée de terminer votre session encore perdant va vous obséder? C'est théoriquement facile de dire qu'il faut jouer toutes ses mains de la manière la plus EV+ possible, mais plusieurs facteurs d'êtres humains irrationnels que nous sommes font en sorte que nous ne jouons pas toujours de la même manière.
Nous sommes souvent irrationnels
Les joueurs pros qui ont déjà participé à des parties de poker lives savent à quel point on peut entendre des irrationalités lorsque l'on joue live. Et souvent, ces joueurs se pensent à l'abri des irrationalités. Mais les joueurs pros sont aussi irrationnels à l'occasion.
Présentez la situation suivante à un amateur: Vous avez As-Ad au Hold'em. Vous avez 100$ devant vous tout comme les 9 autres joueurs à la table.Vous êtes all in et vous avez la possibilité d'obtenir autant de calls que vous le voulez. Combien de call voulez-vous?
Dans cette situation, l'amateur répondra 1 ou 0 (parce que les AA, ça gagne jamais) puisque sinon, selon lui, son équité dans la main va baisser.
C'est vrai, plus vous obtenez de calls, plus l'équité préflop de AA va être basse. Mais ici l'équité n'est qu'une variable à considérer. Ici on cherche le EV de ce jeu. Le EV lorsqu'il y a 0 call, 1 call, 9 calls. Le but est d'être le plus rentable sur le long terme et non d'avoir la meilleure équité dans une main précise. Avez-vous déjà calculé le EV de chaque situation?
Le jeu le plus EV+ est lorsqu'il y a 9 calls. Vous gagnerez moins souvent, certes, mais sur 100 fois, vous ferez plus d'argent lorsqu'il y aura 9 call. Le but n'est pas de gagner le plus souvent. Le but est de gagner le plus d'argent. C'est un point que certains joueurs oublient. Ce qui me fait penser que les joueurs qui jouent au poker veulent généralement gagner de l'argent, mais ne veulent pas nécessairement gagner le plus d'argent possible. Du moins, ils ne font pas en sorte de gagner le plus d'argent possible. Autrement dit, pour eux, une session gagnante n'est jamais à requestionner (ou presque). Bref, certains joueurs ne se questionnent que rarement sur la rentabilité d'une main.
Vous pouvez gagner une main et faire une erreur. Prenons un exemple clair.
Vous 3bettez AA, le flop tombe AA2 et vous poussez all in (un immense overbet sur le flop). Évidemment, votre adversaire se couche. Vous gagnez la main. Avez-vous maximisé vos gains?
- "Ici j'ai gagné la main. Mais est-ce que j'aurais pu faire plus d'argent avec cette main"?
- Oui.
Cet exemple est caricatural et évident. Mais certaines situations sont moins évidentes.
Le fait de se contenter de gagner une main sans se soucier d'aller chercher le maximum d'argent est une forme de tilt selon moi. Un peu comme quand un joueur amateur frappe un brelan sur un flop qui donne un tirage à la flush et qu'il overbet all in sur le flop pour ne pas que les tirages appellent la mise (le joueur standard du casino quoi). Son but est de gagner la main. Son but n'est pas de faire le plus d'argent possible. Il préfère gagner 100$ 100% du temps plutôt que de gagner 500$ 66% du temps. C'est un choix.
Les émotions au poker
Je crois que plusieurs ouvrages ont insisté déjà sur le thème de la gestion des émotions au poker. N'importe qui capable de terminer un secondaire 5 est capable d'apprendre à jouer au poker de manière gagnante. La raison pour laquelle 90% des joueurs seront perdants est qu'ils négligent l'aspect mental de la game et qu'ils font des erreurs sans même s'en rendre compte et qu'ils sont souvent irrationnels.
Avez-vous déjà justifié un call en sachant que ce call est gagnant moins de 5% du temps? Je ne dis pas que ça arrive à tous, mais c'est quand même une situation qui arrive souvent dans un état de tilt intense.
Exemple. Vous êtes sur la rivière avec A high dans un gros pot. Vous avez callé sur le tournant parce que vous étiez tilté. Un "tilt call" absurde. Votre adversaire est agressif et mise régulièrement. Votre adversaire pousse all in sur la rivière. Intuitivement, vous avez déjà vu cette situation plusieurs fois et vous savez que votre adversaire bluff rarement dans cette situation. Non seulement votre adversaire bluff rarement, mais en plus, vous êtes tilté, votre adversaire s'en doute et votre adversaire ne s'attend pas à vous faire folder. Si on ne bluff pas un fish, on ne bluff pas non plus un joueur tilté. Un joueur tilté est irrationnel et imprévisible. Un joueur tilté ne fold pas souvent et voit des bluff partout. Donc, si votre adversaire mise en supposant que vous allez caller presque tout le temps, son range domine A high. Mais au lieu de folder, vous regardez la taille du pot énorme et vous cherchez des mains que vous battez. Vous réalisez que votre adversaire aurait pu jouer 1 main de cette façon sur les 15 mains dans son range et vous callez au cas où votre adversaire aurait cette main. Votre adversaire vous montre 2 paires.
Ici vous avez justifié un mauvais call rivière parce que vous avez fait un mauvais call sur le tournant et que le pot était devenu vraiment gros. Vous avez sûrement callé la mise sur le tournant parce que le pot commençait à être gros et que vous aviez callé sur le tournant (sans raison). Vous êtiez au flop après avoir callé un 3bet que vous n'auriez pas dû caller. Un genre de spirale infernale. Les joueurs gagnants font rarement cette erreur, mais qui peut dire honnêtement qu'il n'a jamais joué une main similaire?
Dans cette main, la réflexion se fait à l'envers. Au lieu d'analyser la situation, de donner un range de mains à notre adversaire, de le comparer avec notre main, de se demander combien de fois nous allons avoir la meilleure main et ensuite de prendre la décision, nous avons pris la décision (caller) en cherchant des raisons de caller.
Un peu comme quand on est "card dead" sur une table, qu'on reçoit KJs sur le bouton, qu'on a la forte intention de jouer cette main, mais que le joueur nit en postion UTG raise et que le joueur en position UTG +1 3bet (un autre nit). On se cherche des raisons de jouer la main. Ça fait longtemps qu'on a pas eu mieux que cette main, et pas question d'attendre encore 15 minutes avant de jouer une autre main. On s'imagine alors que nos adversaires sont alertes et imaginatifs. On se dit que UTG +1 est peut-être en train de 3better UTG parce qu'il fold beaucoup aux 3bet et que l'image de UTG +1 est aussi serrée. On se dit que UTG +1 est peut-être en train de 3better bluff. En réalité, les joueurs ne sont pas souvent imaginatifs et assez prévisibles. Ils jouent 20 tables et ont un plan qu'il ne change presque jamais. Le fait de penser qu'un joueur peut sortir de sa ligne habituelle pour justifier un call est une mauvaise chose. Ici nos deux vilains ont probablement AA et AK, fidèles à eux-mêmes. Bref, on est tilté et on s'invente des scénarios pour justifier nos jeux EV -. On pourrait dire aussi qu'on se "level" à jouer comme on a envie de jouer et non comme on sait qu'il est rentable de jouer. Nos émotions dominent notre raison.
Savoir s'analyser
Tout le monde sait qu'il faut jouer sa A game au poker pour gagner. Mais savez-vous quand vous jouez votre A game? J'ai l'impression que les gens y vont au "feeling", mais que peu de gens se questionnent vraiment sur le moment où ils sont le plus productifs.
Avez-vous déjà analysé vos sessions? Est-ce que vos sessions sont généralement plus gagnantes le matin ou le soir? Quand elles sont courtes ou longues? Chaque être humain a un "peek" dans sa journée, c'est-à-dire un moment où il est au sommet de sa forme intellectuelle. Pour certains, c'est le matin, pour d'autres c'est le soir. Évidemment, si sur votre site de poker les "fishs" jouent le soir, vous allez vouloir jouer le soir. Mais si vous êtes beaucoup moins performants en jouant le soir, est-ce plus profitable pour vous de jouer le matin contre les réguliers au sommet de votre forme ou le soir quand vous êtes plus fatigué contre les fish? Avez-vous déjà pensé remanié votre horaire pour faire en sorte de vous réveiller plus tard pour être en mesure d'avoir une bonne nuit de sommeil avant de jouer au poker contre vos fishs?
Hygiène de vie
Comme n'importe quel athlète, ce que vous mangez et buvez influencera votre performance. Dans les extrêmes, on peut dire que le fait de boire une bouteille de Vodka avant une session nuira à vos résultats, ça va de soit, mais d'autres produits plus subtils pourraient vous influencer négativement sans même que vous vous en rendiez compte. Par exemple, si vous êtes le genre à jouer au poker le matin, jouez-vous après avoir consommé du café? Quel effet a la caféine sur votre jeu? Est-ce que ça vous rend plus alerte ou si ça vous énerve et augmente votre VPIP de 5%? Si vous jouez plus de mains sur le café et que ce n'est pas votre style de jouer "loose", vous serez évidemment dans des situations inconfortables où vous perdrez de l'argent. Le fait de manger trop de sucre pourrait avoir le même effet. Le fait de trop manger pourrait avoir l'effet inverse en vous endormant. Le fait de reporter un repas pour continuer à grinder est aussi néfaste. Vous aviez l'intention de jouer de 14h00 à 17h00 pour souper ensuite. Mais vous continuez à jouer pour une raison X. Peut-être que les tables sont bonnes, mais si vous avez mal à la tête parce que vous avez faim, est-ce que c'est une bonne idée de continuer à jouer? Il faut aussi ajouter que ça fait déjà 3heures que vous jouez. Êtes-vous capables de jouer plus de 3heures sans faire de pause? Est-ce que votre jeu est aussi rentable? Est-ce que votre B game avec 4 fishs sur la table est plus rentable pour vous que votre A game avec seulement 2 fishs sur la table?
L'hygiène de vie est importante au poker. On perçoit souvent les joueurs de poker highstakes comme des dégénérés qui font le party chaque soir en faisant des prop bets de 10K sur des courses de grenouilles et sur d'autres événements sans importances. Mais il est impossible de compétitionner à un niveau élevé sans avoir des habitudes saines de vie. Le fait de faire du sport est vraiment important (ou de l'exercice). Si vous êtes trop sédentaire, vous aurez peut-être un surplus d'énergie et d'agressivité qui se traduira par des rages de tilt (chez certains joueurs). Et si le fait de faire du sport et de l'exercice diminuait votre tilt? Et si ça vous rendait plus zen? Il s'agit d'essayer de jouer une session de poker le lendemain d'une grosse brosse pour se rendre compte à quel point nos habitudes de vie influencent notre jeu! Bref, un esprit sain dans un corps sain.
Si vous avez d'autres exemples à partager, n'hésitez pas à les écrire sur nos forums: Qu'est-ce qu'un joueur de poker gagnant ?
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