Joueurs professionnels: gains non imposables?

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Dans les dernières années, l’Agence du Revenu du Canada s’est montrée agressive envers de nombreux joueurs de poker, leur demandant des cotisations de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers de dollars pour les gains de poker sur plusieurs années antérieures.

Bien que la situation puisse être angoissante pour plusieurs d’entre eux, ils seront heureux d'apprendre qu'un jugement rendu le 29 août dernier en Ontario est enfin venu apporter un éclairage sur la question avec l'arrêt Radonjic c. Agence du Revenu du Canada.   


Les faits :
Peter Radonjic est un joueur de poker. Il a commencé à jouer en 2003, mais en 2004, il a commencé à gagner de façon significative. En mai 2004, il décide de quitter son emploi contractuel au Gouvernement Fédéral.

En remplissant sa déclaration d’impôt pour 2004, il décide d’inclure tous ses gains de poker sur son rapport. Il voulait ainsi être prudent, éviter d’avoir à payer une large somme plus tard, et aussi permettre qu’il puisse plus facilement financer son hypothèque. En plus de 2004, il déclare également ses gains de poker pour les années 2005, 2006 et 2007.

En 2011, après avoir discuté avec quelques joueurs de poker, M. Radonjic en est venu à la conclusion que ses gains de poker n’étaient, finalement, pas imposables. Il a alors fait la demande pour modifier ses déclarations afin qu’on leur retourne l’argent qu’il avait payé en trop. Après avoir essuyé deux refus de leur part au motif que ses gains étaient des revenus d’entreprise, il a demandé à la Cour Fédérale d’examiner la décision de l’ARC.

La décision :

Le juge résume sa décision en disant notamment que « (c) le ministère n’a pas compris comment le poker en ligne est joué; (d) qu’il est inconsistant avec lui-même et le cas Cohen; […] qu’il a décidé que les gains de poker étaient taxables et qu’il a ensuite simplement cherché des moyens de justifier cette décision; […] (i) qu’il ne parvient pas à expliquer le système que le joueur a mis en place pour jouer au poker; (j) qu’il a omis de prendre compte du fait que tous les joueurs tentent de minimiser leurs pertes et de maximiser leurs gains. »

Il appuie son raisonnement sur les points suivants:

  1. Les performances passées ne doivent pas être un guide pour savoir si un joueur a une « expectative raisonnable de profit ».
  2. Le fait de jouer au poker en ligne sur une longue période de temps, de façon intense et sur une base régulière, ne constitue pas un « système ».
  3. Tout le monde participant au poker veut gagner et tente d’augmenter les chances en leur faveur. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils ont mis au point un système : s’ils gagnent, le hasard reste le facteur prédominant.
  4. Le mode de paiement utilisé n’est pas indicateur d’une « gestion d’entreprise », puisque tout le monde qui veut retirer son argent doit mettre en place une sorte de système de paiement.
  5. Le fait de quitter son emploi ou ses autres sources de revenus pendant que le joueur gagne au poker n’indique pas que le joueur a un système ou qu’il exploite une entreprise : un grand gagnant pourrait décider de quitter complètement son emploi, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il gère une entreprise.
  6. Le fait d’utiliser ses gains pour financer une hypothèque n’est aucunement une indication que le joueur gère une entreprise. Les gains peuvent être utilisés de façon utile, et le joueur n’a pas à jouer jusqu’à ce qu’il perde tout.
  7. Le fait d’avoir un ordinateur avec plusieurs écrans n’indique en rien que le joueur a fait des investissements en capitaux aux fins de gérer une entreprise ou de faire un profit. Il n’y a rien de spécial à posséder un ordinateur et plusieurs écrans.
  8. Le fait de tenir un registre de ses gains et de ses pertes est entièrement compatible avec la nécessité de prouver la provenance des fonds à des fins fiscales. Ce ne sont d’aucune façon des documents professionnels. 

À l’inverse, le même raisonnement s’applique aux pertes de poker : un joueur qui perd ne pourrait pas être en mesure de faire une réclamation sur ces pertes. Ce jugement va dans le même sens que l’arrêt Cohen c. l’Agence du Revenu Canada (voir « Les pertes de poker non déductibles? » sur PokerCollectif). 
 
Le juge ouvre toutefois la porte à ce que le degré d’activité du joueur de poker puisse être suffisant pour que la Cour conclût qu’il s’agit d’une entreprise, notamment si le joueur avait des employés ou des partenaires qui exécutent ses instructions ou qui suivent un système.

Ne reste plus qu’à espérer que l’Agence du Revenu du Canada cesse ses comportements hyperactifs agressifs et abusifs contre les joueurs de poker…
Discutez de cette nouvelle en cliquant le lien suivant: Les gains des joueurs professionnels de poker sont-ils imposables?

Source:  http://www.canlii.org/en/ca/fct/doc/2013/2013fc916/2013fc916.html

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