Entrevue septembre 2012 avec Geneviève "PickPocket" Gloutnez, poker pro du Stardust Poker Mansion et amie des animaux!
PC- Pourrais-tu nous parler rapidement de ton introduction au poker? Comment as-tu découvert le jeu et comment as-tu fait tes classes?
J'ai découvert le poker il y a environ 8 ans, grâce à Olivier « Latinsnake » Racine. À l'époque, nous étions en couple, et chaque fois qu'il apprenait quelque chose sur le poker, il le partageait avec moi. Olivier a une incroyable capacité à vulgariser les concepts et à verbaliser clairement ses prises de consciences. Cela m'a donné un bon coup de pouce dès le départ, pour comprendre les bases et l'essence du jeu. Par la suite, j'ai continué mon apprentissage en lisant la majorité des livres disponibles et à peu près tout ce qu'on pouvait trouver sur les forums de poker, tout en continuant à échanger avec Olivier et à le rencontrer à l'occasion pour des sessions de coaching. Bien que notre relation personnelle ce soit terminée, nous sommes restés de bons amis, surement en grande partie à cause de notre passion commune pour le poker.
Cela m'a quand même pris beaucoup de temps pour envisager le poker autrement que comme simple passe temps, compte tenu de mon aversion au risque, et du peu de fibre « gambler » qui se trouvait en moi. J'ai donc dû travailler très fort sur plusieurs aspects de ma personnalité pour en arriver où j'en suis aujourd'hui.
Il y a 4 ans, j'ai fait la rencontre de Gabriel « GabyGaby » Morin. À ce moment, je jouais un très mignon 12/8/2 au NL50 sur Everest Poker, avec un bankroll que j'avais grindé méticuleusement, à partir de rien. Gabriel vivait déjà du poker et il a sans contredit contribué à élever mon jeu à un autre niveau. C'est grâce à lui si je gagne ma vie ainsi aujourd'hui, ça ne fait aucun doute. J'étais témoin de sa discipline, de son mode de vie. Je voyais ses résultats et j'obtenais en quelque sorte la confirmation que c'était réellement possible de vivre du poker. Après environ 3 mois de cohabitation avec Gabriel, j'en arrivais à un moment dans ma vie professionnelle où j'avais envie de changement. De plus, j'étais pigiste et mon contrat arrivait à échéance.
PC- C'est à ce moment que tu as quitté ton domaine d'emploi pour devenir une pro du poker?
Pas exactement pour devenir pro, mais pour essayer! J'avais un coussin qui me permettait de tenir quelques mois sans revenus (sans toucher à mon roll) et je me disais que de jouer à temps plein me permettrait d'atteindre mes objectifs beaucoup plus rapidement. Je me voyais passer du NL50 à pouvoir tirer de bons revenus du NL200, en 3 mois. Évidemment, mes objectifs étaient complètement irréalistes. Chaque jour à travailler avec Gab, me faisait me rendre compte à quel point j'étais clueless... Bien que ma progression suive un rythme décent, j'avais l'impression d'essuyer échec après échec. La fameuse phrase que j'avais lue dans toutes les entrevues « J'ai déposé X montant et je n'ai plus jamais regardé en arrière » me faisait paraître le tout tellement facile... mais quelle mauvaise interprétation j'en faisais! Réussir à gagner au poker a été un travail constant pour moi et je n'arriverai probablement jamais à un point où j'aurai l'impression d'en savoir suffisamment. Cette période a été très difficile, mais ultimement je savais que je pouvais y arriver. C'était ce que je voulais faire et je n'ai pas lâché.
Avec du recul, j'ai l'impression d'avoir toujours opté pour la facilité dans la vie, et d'avoir toujours tout réussi avec très peu d'efforts. C'était la première fois que je repoussais vraiment mes limites, et que j'évoluais dans un univers qui n'allait pas de soi pour moi. Les mathématiques étaient ma bête noire à l'école, ou plutôt la seule matière où j'avais besoin de travailler pour réussir. De plus, je m'étais toujours considérée comme très cartésienne et logique, et la variance du poker m'a vite fait prendre conscience de toute l'émotivité qui m'habitait. Ce n'était pas gagné d'avance, mais peut-être, justement, que j'avais besoin de me prouver que j'étais capable de performer dans des sphères qui représentaient un réel défi pour moi.
PC- Comment ton entourage a-t-il pris la nouvelle?
Mon père n'a jamais eu peur de changer d'emploi ou de déménager pour suivre ses passions. Il a confiance en ses compétences et possibilités, et je dirais que c'était la même chose envers moi. En plus, c'est un fan de poker. Il a donc toujours été enthousiaste à l'idée et m'a toujours appuyée dans mes démarches. À mes tout débuts, mon père jouait online et faisait des millions... à l'argent fictif! De temps à autre, il m'envoyait 200,000 en playmoney sur Pokerstars que je m'amusais à jouer ici et là, question de me faire la main avec le jeu et le logiciel.
En ce qui concerne ma mère, je pense que le fait d'avoir un plan B, soit de pouvoir retourner dans mon domaine de travail sans trop de difficulté, a permis de faire passer la pilule. Elle n'a jamais essayé de m'en dissuader mais c'est certain qu'elle était inquiète. Aujourd'hui, elle l'est moins et s'est aussi mise à jouer en ligne. Je suis allée la voir à la fin juillet car elle voulait que je la coach pour son jeu de tournoi. J'ai passé une heure environ à lui expliquer les principaux concepts de base. Le 13 août, soit deux semaines plus tard, elle remportait son tout premier tournoi, en terminant première sur 239 joueurs! Puis le 16 août, elle remettait ça en terminant en 3e position de ce même tournoi! Je l'ai regardée jouer ses deux tables finales de chez moi et j'étais très fière d'elle!
PC- Tu habites présentement avec ton copain qui est lui aussi un joueur de poker professionnel, quels sont les avantages et les inconvénients d'une telle cohabitation?
Les avantages ressemblent probablement à tout autre couple où les deux conjoints occupent le même emploi. Avoir un horaire similaire, pouvoir échanger au sujet de notre travail, comprendre et partager ce que vit ou ressent l'autre. Aussi, de pouvoir réfléchir et parler d'un concept dès qu'il nous vient en tête, peu importe le moment, est définitivement un plus pour le côté poker de notre vie.
Ce dont je me rends compte au fil du temps, c'est que la compréhension de ce qui vit l'autre ne se transforme pas nécessairement en compassion au quotidien. Quand l'un de nous se plaint sans arrêt que ça va mal alors qu'il est en train de jouer, on est plus du genre à se lancer un : « Si tu tilt, arrête de jouer, sinon arrête de chialer! »
Pour les inconvénients, je dirais que c'est facile de tomber dans l'isolement. On n'a pas à sortir et rencontrer des gens pour jouer, puisqu'on joue principalement en ligne. On se retrouve rapidement dans une espèce de « bulle poker » où on ne fait rien d'autre! Nous avons retrouvé un équilibre au cours des deux dernières années, alors que Gab a commencé à s'entraîner, et que je me suis mise au bénévolat et tout récemment, au yoga! L'association avec le Stardust est aussi une très bonne chose puisque ça nous incite à sortir jouer live plus souvent et j'adore ça!
PC- Lorsque tu as été nommée poker pro pour le Stardust Poker Mansion, comment as-tu reçu cette nouvelle? J'imagine que tu devais être heureuse de la reconnaissance que l'on t'accordait?
Oui, évidemment! De faire partie d'une équipe où se retrouvent quelques uns des meilleurs joueurs de la province, était définitivement un honneur pour moi. J'essaie de faire de mon mieux pour être une bonne « ambassadrice » auprès des joueurs et du public en général. Toutes les personnes que j'ai rencontrées depuis l'ouverture du Stardust sont super sympathiques! Certains joueurs m'écrivent pour me souhaiter bonne chance lors de tournois, échanger, ou me demander des conseils sur des mains. Je tente de répondre à toutes les questions que je reçois. C'est certain qu'il y a des joueurs meilleurs que moi si on ne regarde que le talent « poker » brut. Par contre, je sais que je mérite d'être où je suis et que j'ai aussi beaucoup à apporter au Stardust.
Il m'est arrivé souvent dans le passé, que des joueurs viennent me serrer la main en quittant une table, pour me dire à quel point ils avaient eu du plaisir à jouer avec moi, ou qu'ils avaient beaucoup apprécié me regarder jouer. Si les gens ont du plaisir, je trouve que c'est le plus important. C'est ce qui donne envie de répéter l'expérience. Je comprends que le poker puisse jouer avec les émotions, puisque pour que certains gagnent, d'autres doivent perdre. Mais je ne comprendrai jamais ceux qui adoptent une attitude arrogante et déplaisante envers les autres joueurs de la table sans raison. Ils n'ont définitivement pas compris l'essence du jeu.
PC- Comment penses-tu que les hommes te perçoivent sur une table de poker? Laurence dit qu'être une femme au poker nous donne un edge, es-tu d'accord avec cette affirmation?
Quand je vais jouer live là où les joueurs ne me connaissent pas, c'est presque inévitable, quelqu'un me fera la remarque qu'il me trouve bonne. Je crois qu'ils ne peuvent s'empêcher de le mentionner, car ils sont surpris. D'emblée, nous sommes portés à juger un joueur sur son apparence et son attitude dès qu'il arrive à la table. Je suis consciente de mon image, et je sais très bien qu'une femme sera sous-estimée au départ. Je ne sais pas, par contre, à quel point il est possible d'en tirer avantage. Il m'arrive de faire des « plays » lors des premières minutes de jeu à une table, contre des jeunes joueurs qui semblent tenter de me bousculer parce que je suis une fille. Par contre, après quelques tours de table, les meilleurs joueurs vont essayer d'évaluer ton niveau de compétence et de s'ajuster en conséquence. Quand aux joueurs moins expérimentés, ils joueront leurs cartes, comme à l'habitude, sans se soucier de leurs adversaires. Au bout du compte, je ne sais pas si cela fait une grande différence. Probablement que je réussis à obtenir un peu plus d'information que les autres, alors qu'un sourire me permet souvent de voir les cartes qu'un joueur allait folder ou mucker!
PC- Pourrais-tu nous parler de l'accomplissement dont tu es le plus fière relativement au poker?
Laurence « LadyLuck » Grondin et moi, sommes bénévoles au Réseau Secours Animal depuis 2 ans. À deux reprises, nous avons fait appel à la communauté poker pour nous venir en aide et nous avons obtenu une réponse phénoménale. Près de 8000$ ont été recueillis au total et remis au RSA. C'est probablement une des choses dont je suis le plus fière, même si c'est disons, indirectement relié au poker!
Le poker est un jeu individuel. Il n'y a ni amis, ni équipes à une table de poker. Nous sommes seuls face à nos adversaires et, à quelques exceptions près, le fait de gagner ne profite à personne d'autre que nous-mêmes. Il y a une partie de moi qui a envie d'aider, de me sentir utile et d'améliorer les choses autour de moi. D'avoir réussi, par le biais du poker, à atteindre cet objectif est tout un accomplissement.
PC- Quels sont tes projets pour l'avenir relativement au poker? As-tu un rêve ou une grande aspiration?
Je dois t'avouer que je n'ai jamais été quelqu'un de très axé sur l'avenir. Je ne suis pas du genre à faire des projets à long terme. J'aime profiter du moment présent, et rester à l'affut de ce qui se présentera demain. Tant que je poursuivrai dans le poker, c'est évident que je souhaite continuer de m'améliorer, obtenir de meilleurs résultats, faire d'autres tables finales importantes, et connaître une victoire dans un tournoi majeur.
J'ai toujours plusieurs projets en tête, et au moins une fois par année, il arrive un moment où je me dis que je quitte le poker à tout jamais! Haha. La plupart du temps, après une petite pause, l'envie de retourner au jeu me reprend... puis j'apprends un nouveau truc, puis je fais un voyage, puis j'own un adversaire dans une main, ou je retrouve mes amis de poker... et je me dis que je suis chanceuse de faire ce que je fais finalement!
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