Article tiré du blogue de Yves hibou' Bouchard, de www.poker-solution.com
Cet article se veut une matière à réflexion et discussion pour ceux qui songent à devenir professionnels de poker.
Je brûlais d'envie d'écrire sur ce sujet depuis longtemps. Je ne savais simplement pas par où commencer. En jouant au golf avec de très bons amis au Champêtre cette semaine, la discussion au souper s'est orientée vers Tiger, les autres pros de la PGA, nos pros québécois, et tous les wannabees. En fin de compte, dans n'importe quel domaine, il y a des similitudes. Au Québec, il y a des centaines, voire des milliers de golfeurs qui peuvent frapper une balle à 300 verges et plus. Dans tous les clubs, il y a quelques joueurs qui jouent sous le par régulièrement. On a presque tous joué au hockey. On connaît presque tous des gars plein de talent qui n'ont jamais eu la carrière qui leur était destinée. Et pourtant, dans tous ces exemples, le talent était indéniable.
Depuis quelques années déjà, j'ai la chance de côtoyer la majorité des pros du Québec, ou du moins d'avoir joué ou travaillé avec eux. Dans le cas d'André Boyer, d'Isabelle Mercier, d'Éric Cajelais (l'un des 3 seuls avec qui je n'ai pas eu le plaisir de jouer), de Philippe « le dingue » Boucher, de Nicolas « Le Prince » Fradet, il n'y a rien à redire. Ces gens jouent, jouent, et jouent encore ; ils en ont fait leur profession et ils vivent bien avec leur décision. Le beau plus, selon moi, est que ces gens ajoutent en majorité à nos connaissances et n'hésitent pas à aider leurs confrères, soit avec leurs conseils ou simplement par le rayonnement qu'ils apportent au poker québécois. Cet article ne parlera donc pas de ces grands professionnels. Je veux plutôt parler des centaines de pros locaux que peu de gens connaissent. Et plus spécifiquement des problèmes bizarres qu'ils rencontrent.
Tout comme au golf ou au hockey, une multitude de jeunes découvrent le poker et y trouvent une fascination peu commune. La combinaison de hasard et de science, la magie du bluff ou de la bonne lecture, la poussée d'adrénaline procurée par un bon « read », tout ça combiné à une grande confiance en soi-même amènent beaucoup de nouveaux joueurs à adopter le poker comme nouveau hobby. Plusieurs d'entre eux possèdent ce qu'il faut pour devenir professionnels et, donc, en tirer un revenu satisfaisant. Et pourtant, la grande majorité, après un an, vivotera du poker ou aura simplement abandonné.
Les mathématiques du poker sont simples. Un joueur qui joue 4 à 6 tables de sans limite 100, limite plutôt facile à battre, récoltera aisément 30 à 40 dollars par heure. En jouant 35 heures par semaine, on parle de 1000$ par semaine. En ajoutant bonus et/ou rakeback, en enlevant les impôts et épargne dans un REER, il en reste assez pour très bien vivre. On devrait en arriver à la conclusion que jouer au poker pour gagner sa vie s'impose. Pourtant, dans les faits, ça n'arrive pas. Après quelques mois, la majorité des nouveaux pros se questionnent. L'ancien passe-temps est devenu une job. Le nouveau passe-temps ? Il n'existe pas, faute de temps. La job n'est pas aussi facile qu'on ne le pensait ! Depuis le temps qu'on joue, on a eu droit à notre part de bad beats, de mauvaises semaines, et bien sûr de questionnements. En théorie pourtant, un horaire de 35 heures par semaine est bien raisonnable. N'importe qui ayant parti sa propre compagnie vous le dira : des semaines de 35 heures, c'est comme des vacances. D'ailleurs, un joueur qui débute une carrière devrait se taper des horaires bien plus longs, question de se monter un meilleur fonds de roulement.
Pourquoi alors auront-ils abandonné ? Mystère ! La majorité de ceux que je connais ont beaucoup de misère à jouer assez ; ils peuvent passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans jouer une seule main ; désillusionnés, tannés, affaiblis mentalement par la variance ou par leur nouveau style de vie, ils peinent à se motiver, encore plus à le demeurer. Je peux vous dire que la grande majorité de ces nouveaux pros ont un profil assez similaires : ils sont bien plus intelligents que la moyenne, étaient affamés et avaient soif de succès. Ils ont habituellement mal fait la transition entre le poker-hobby et le poker-travail. Ils n'ont pas à se lever, et ils ne le font pas. Ils n'ont pas à se coucher, et bien sur ne le font pas non plus. Les sorties avec leur groupe d'amis ont diminué, les contacts familiaux aussi. Rien de méchant, ni négatif, juste une de ces choses qui survient avec un nouveau style de vie. Au-delà du glamour, la vie de joueur de poker n'est pas facile ; le poker se joue seul, souvent devant un ordinateur, sans support, surtout durant les périodes plus difficiles. Habitué à jouer 200 à 300 mains à l'heure, le joueur s'aperçoit rapidement que le jeu live n'est pas tellement excitant. Au contraire, avec ses 30 mains par heure, il constitue plus un handicap qu'une détente, plus un ennui qu'une session agréable. Rapidement, le plaisir disparaît, le goût de jouer diminue.
Je pense qu'il y a autre chose, mais j'ignore ce dont il s'agit. Personnellement, je suis chanceux. Mon talent est mitigé, mais je réussis à en dégager des gains appréciables. Lorsque j'ai quitté mon emploi, je me suis rapidement aperçu que mon jeu comportait plus de failles que de bons points. J'avais cependant le temps de m'améliorer, et mes objectifs étaient modestes. J'ai maintenant un set up merveilleux pour jouer, en pleine nature, avec des canards comme seuls spectateurs. Le fait d'avoir découvert Everest Poker comme site n'a pas nui, évidemment. J'ai cependant beaucoup de misère à voir tant de joueurs pleins de talent en arracher.
J'espère sincèrement que ce petit article et les commentaires qu'il suscitera permettront aux professionnels existants de trouver confort dans la connaissance qu'ils ne sont pas seuls. Plus important encore, ils sont meilleurs qu'ils ne le croient. Enfin, il aidera probablement quelques futurs wannabees à mieux se préparer à faire le saut. Au poker, au golf, au hockey, tout se joue entre les deux oreilles. Seuls les plus forts survivent, et c'est encore plus vrai que tout ce que l'on peut s'imaginer.
Bon poker !
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